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Ecco cosa scrive in proposito “ATABULA”:
Mon caviar est chinois, ça vous gêne? By Franck Pinay-Rabaroust
Il y a quelques années encore, l’idée aurait été jugée saugrenue, voire provocatrice. Proposer du caviar chinois à la carte des plus grands restaurants français, et puis quoi encore ! Sauf que… Aujourd’hui, le produit a été testé et approuvé par les plus grands chefs qui sont passés du principe de précaution au principe de réalité : celui du produit. Reste que certains n’osent pas encore le présenter comme tel au client. Reportage en Chine, du côté du lac Qiandao, à 9000 kilomètres de Paris.
Commençons par une vérité brute : le caviar sauvage, d’Iran, de Russie ou d’ailleurs, n’existe plus. Les Anciens le regrettent, en parlent avec émotion, mais un trait a été tiré il y a quelques années sur la longue histoire de ce produit décimé. Aujourd’hui, le caviar que l’on retrouve dans son assiette est issu d’esturgeons d’élevage ; il faut se faire une raison. A ce jeu-là, la Chine a su tirer son épingle du jeu grâce au travail de quelques experts, un petit peu fous mais très passionnés, qui ont posé leurs bassins sur le lac Qiandao, immense étendue d’eau de 573 km2, entourée de montagnes et habillée de plusieurs centaines d’îles non habitées. C’est là que la société Kaluga Queen exploite depuis plus de 20 ans un parc aquacole de 140 hectares riche de centaines de bassins. Dans chacun d’entre eux, 90 poissons – de la même espèce – vivent en semi-liberté avec une profondeur moyenne de 25 mètres. Celle-ci est importante car elle permet aux poissons de s’adapter en fonction de la température de l’eau. L’été, les esturgeons ont tendance à plonger, n’appréciant que modérément les fortes chaleurs. En bassin bétonné, une telle liberté n’existe pas. Or, il n’existe que deux lacs dans le monde où l’esturgeon est élevé, en Bulgarie et ici, en Chine.
Les bassins du lac Qiandao
Un bon caviar, c’est un poisson élevé longtemps, dans un environnement le plus naturel possible et parfaitement suivi par des experts qui contrôlent sa croissance et sa nourriture
Si le caviar coûte son prix, c’est qu’il y a, par delà la rareté du bon produit, le temps nécessaire pour obtenir des œufs de grande qualité. En Chine, les experts de la société Kaluga Queen – formés par… des experts iraniens et russes – attendent la deuxième ponte pour extraire la précieuse semence. « Nous testons actuellement des œufs issus d’une troisième ponte, une grande première » explique Jacques Nebot, expert reconnu du caviar et qui veille à la destinée de la maison Kaviari, accompagné pour cela de Raphaël Bouchez et de Karin Nebot. Si le résultat est à la hauteur des attentes, il faudra encore attendre plus longtemps pour obtenir le caviar, sachant que l’esturgeon ne pond que tous les deux ans à partir de l’âge adulte. Dans les bassins du lac, les poissons ont entre sept et dix ans, avant qu’ils ne passent dans d’autres bassins, plus petits, où leur nourriture quotidienne sera mieux contrôlée jusqu’à leur mort et l’extraction des œufs pour transformation. Un bon caviar, c’est un poisson élevé longtemps, dans un environnement le plus naturel possible et parfaitement suivi par des experts qui contrôlent sa croissance et sa nourriture. Pendant la saison – qui s’étend de septembre à mai -, les équipes de Kaviari se déplacent très régulièrement pour suivre la régularité du travail et contrôler les lots qui rejoindront les entrepôts parisiens de la marque. En Chine, Kaviari travaillent avec trois espèces : le schrenkii (70%), l’osciètre (25%) et le béluga (5%).
Esturgeon rempli d’oeufs
En moins de 15 minutes, les experts chinois enchainent pas moins de 16 opérations pour transformer le produit brut en caviar
Avant que les précieuses boites bleues ne s’envolent vers Paris, il faut… récupérer les œufs. En moins de 15 minutes, les experts chinois enchainent pas moins de 16 opérations pour transformer le produit brut en caviar. Après avoir été tué, l’esturgeon – qui peut peser jusqu’à 120 kilos – est ouvert de part en part pour récupérer les œufs qui pèsent environ 10% du poids total de l’animal. Nettoyages et tris multiples, pesée, salage, mise en boite, étiquetage électronique, photographie de chaque boite ouverte pour un parfait contrôle et traçabilité du produit. Absolument aucun détail n’est négligé à cette étape-clé du process. Une fois la boite fermée par un immense élastique noir, le produit est prêt à vivre une nouvelle vie. Avec, néanmoins, une dernière étape d’importance : la sélection. En goûteurs experts, Raphaël Bouchez et Jacques Nebot se déplacent à échéances très régulières pour tester in situ le produit. Et échanger avec celles et ceux qui travaillent à la confection du caviar. La qualité du produit passe aussi par le partage d’expérience.
Chaque chef a ses préférences, en fonction du goût donc, mais également en fonction de la couleur et de la taille de l’œuf. Là, à la qualité du produit se double le talent de créateur du chef qui saura sublimer dans une recette
A l’instar du vin ou du fromage, le caviar a besoin de temps pour s’exprimer. Il faudra en moyenne entre deux et quatre mois d’affinage pour que celui-ci soit à son maximum gustatif. Pour Kaviari, ce travail se fait à Paris, dans un entrepôt située à quelques encablures de la place de la Bastille. Un autre expert a pris le relais, Bruno Higos. C’est lui qui, dès potron-minet – six heures du matin ! -, s’encanaille chaque jour ou presque, de caviar. Il teste. Compare. Observe. Et juge du degré d’affinage du produit. Le jour J, les boites entrent dans leur dernière phase, celle de la commercialisation. A ce moment-là, le produit est jugé comme irréprochable, tant visuellement que gustativement. Après, chaque chef a ses préférences, en fonction du goût donc, mais également en fonction de la couleur et de la taille de l’œuf. Là, à la qualité du produit se double le talent de créateur du chef qui saura sublimer dans une recette ce que l’animal, la nature et le savoir-faire des experts ont su créer et transformer pendant une dizaine d’années en amont de la dégustation finale.
Vue sur le lac Qiandao
Paradoxalement, la seule traçabilité qui fait encore défaut est celle qui n’indique pas sur la carte du restaurant l’origine du caviar
Reste ce hiatus encore très ancré selon lequel le caviar chinois ne rime pas avec qualité. Or, aujourd’hui, tout prouve le contraire et les idées reçues doivent être plus que jamais combattues. Comme le rappelle Raphaël Bouchez, « le caviar chinois est le plus contrôlé au monde. Chaque livraison est vérifiée par les autorités sanitaires ; en Chine comme en France, il y a un nombre incalculable de contrôles en tout genre pour garantir un produit irréprochable. » En fin connaisseur du marché, il sait qu’au moindre souci de qualité, c’est l’image encore ambivalente du caviar chinois qui dégringolerait. Autant dire que rien n’est laissé au hasard. La preuve ? L’entreprise chinoise Kaluga Queen dispose d’un nombre incroyable de certifications et peut montrer à qui le demande la totale traçabilité des esturgeons, du lac à la boîte. Paradoxalement, la seule traçabilité qui fait encore défaut est celle qui n’indique pas sur la carte du restaurant l’origine du caviar. Souvent, seule l’espèce est mentionnée, gage bien maigre et insuffisant d’une qualité garantie. Actuellement, ce ne sont pas moins de 65% des trois étoiles français et des dizaines d’établissements étoilés ou doublement étoilés qui ont référencé du caviar chinois. Le dernier effort est là : que les chefs assument le fait que le caviar chinois est désormais l’un des meilleurs du monde.
Franck Pinay-Rabaroust / Photos Nicolas Izarn